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Titre du blog : Médias Justice
Auteur : SemtobFK
Date de création : 06-06-2008
 
posté le 09-06-2008 à 23:14:48

EXTRAIT DES MEMOIRES DE BARRAS.

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EXTRAIT DES MEMOIRES DE BARRAS CHAPITRE XIII TOME 3 LE DIRECTOIRE DU 18 FRUCTIDOR AU 18 BRUMAIRE.

Pénétré par la justesse des raisonnements de Siméon comme de la justice,

j'en parlai à mes collègues, et j'obtins d'eux,malgré l'impatience causée parce qu'on appelait " réclamations personnelles ",qu'ils entendissent la lecture du factum Siméon. Chacun fut d'avis individuellement que Siméon avait exprimé la réclamation la plus fondée,et qu'il fallait l'accueillir; mais le Directoire en masse pensa qu'il fallait la rejeter.C'est une observation

qui ne peut étonner que les gens qui n'ont pas connu d'assemblées politiques, ou de simples associationsmoins nombreuses encore, de voir combien les hommes individuellement ou collectivement se ressemblent peu.

La justice que reconnaissent et qu'accordent les premier, est souvent refuséepar les mêmes quand ils sont réunis. Celui qui mit en avant cette opposition fut Sieyès: " Parce que nous avons fermé hier le Manège ,dit-t-il,

les aristocrates croiront-ils pouvoir nous occuper d'eux aujourd'hui? ils se tromperaient.Tout ce que nous pouvons faire de ces gens-là,dit Sieyès,c'est

de les renvoyerà l'examen du ministre de la police,pour nous faire un rapport

s'il ya lieu."Fouché revient le lendemain avec le factum Siméon à la main ,

il prétend l'avoir examiné attentivement et n'y avoir trouvé que des"billevesées" indignes de l'attention du Directoire. Elle doit être réservée tout entière pour les dangers présents qui nous menacent;et Sieyès répond avec vivacité: "Vous avez bien raison: c'est du moment présent qu'il faut nous occuper. Les déportés sont déportés et doivent l'être; qu'ils nous laissent tranquilles!"

Ne me tenant pas encore pour battu, je crus pouvoir donner un argument plus victorieux encore en faveur de Siméon, en produisant un fragment de la lettre qu'il m'écrivait, ainsi conçu : "Depuis la cruelle garantie qu'on a prise de notre obéissance en nous menaçant de la peine et de la honte et de la peine de l'émigration...". A cette phrase commencée, et qui prouvait des sentiments fiers et généreux contre l'émigration, cette représentation trop réelle des ennemis de la République, auxquels Siméon était si malheureux de se voir associé, je n'en fus pas moins interrompu avec plus de violence encore par Sieyès qui, soutenu par Fouché, demanda "l'ordre du jour sur les déportés, émigrés, enfin tous les aristocrates, et de passer à la question présente, celle des Jacobins".

Quelque temps avant ces discussions j'avais reçu une réclamation des prêtres déportés de Rochefort, qui exposaient le malheur de leur position et tous les droits qu'ils avaient à un adoucissement. Car c'est une circonstance bien des fois reproduite de ma vie, même au milieu des troubles politiques les plus violents, et où j'avais l'air de de jouer le rôle le plus terrible, au premier rang, que tout ce qui a été vaincu et malheureux s'est adressé à moi avec confiance, comme au protecteur naturel  dont on avait le plus à attendre. Ces pauvres prêtres de Rochefort commençaient leur mémoire en citant l'article 2 des Droits de l'homme dans la Constitution de l'an III: "Nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou légalement appelé". Généralement les opprimés, de quelque parti qu'ils soient ou qu'ils aient été, sont les premiers à réclamer les principes auxquels ils faisaient le moins d'attention, ou pour lesquels ils affectaient même de témoigner du mépris. C'est un hommage bien naturel aux principes, qu'étant le salut de tous, il faut bien qu'à son tour chacun les réclame. Attendri autant que convaincu par la réclamation de ces pauvres prêtres, je crus ne devoir plus différer de la présenter au Directoire, dans l'espérance que la colère qui devait s'être contentée sur les Jacobins, puis sur les déportés, pourrait bien s'être calmée par compensation à l'égard des prêtres. Quel fut mon étonnement en voyant Sieyès paraître croire que j'ai voulu lui décocher une épigramme, en me souvenant qu'il "avait jadis été prêtre", ou plutôt qu'il n'avait jamais cessé de l'être, car il n'y a qu'une haine de prêtre qui puisse se porter à une pareille violence: "Que venez-vous, s'écria-t-il, nous parler de vos prêtres déportés? ou ils sont déportés, ou ils ne le sont pas: s'ils sont déportés, ils sont morts; ainsi il n'y a plus à s'en occuper sous aucun rapport. Ce fait constaté, je n'ai pas besoin de passer à une seconde supposition.Vos

prêtres de Rochefort n'existent plus, et ne sont plus en question:ainsi

passons à l'ordre du jour: c'est là toute l'indulgence que nous pouvons avoir

pour les pétitionnaires."Fouché , témoin de cette incartade, qu'en tout état de cause il aurait pu juger mieux qu'un autre, en raison de ses antécédents personnels, nous dit:"Citoyens Directeurs,regardant Sieyès avec un sourire d'approbation,je ne surveillerai pas moins ces modérés pétitionnaires que les autres ennemis de la République.Je sens toute la portée de leur conduite,

alors même qu'ils s'inclinent devant vous avec tout le respect de la supplication.Nous avons d'ailleurs,en ce moment,permettez-moi l'expression,

d'autres chiens à fouetter."Sieyès regardant en ce moment Fouché avec une aimable complaisance:"Citoyen fouché,vous avez à vous occuper bien sérieusement des Jacobins.Avant et après tout, ce sont là nos ennemis, ce

qui n'implique pas qu'on doive perdre de vue les Fructidorisés et les prêtres

déportés; mais il ne faut pas que l'attention sur les uns soit retirée aux autres: il faut tout voir à la fois."Je regarde comme pièce historique la réclamation des prêtres déportés et je l'inscris ici tout entière.